Manifeste pour une Ecole équitable (2)

Publié le par Collectif

Qu’est-ce qu’une Éducation « rentable » ?


Voici la seconde partie de notre analyse sur les suppressions de postes dans l’enseignement secondaire.

Le premier chapitre émet une hypothèse sur la réforme « éducative » du gouvernement : moins dépenser pour réduire les coûts plutôt que « mieux dépenser pour mieux éduquer ».

Etudions maintenant les éléments de cette stratégie budgétaire avec les critères et le vocabulaire propres à celui d’une entreprise privée.


Une réduction notable des effectifs : 1 poste supprimé toutes les 2 heures !


Depuis 2003
:

- 18 662 : entre 2003 et 2007 (selon un rapport sénatorial http://www.senat.fr/rap/l07-091-313/l07-091-313_mono.html).

- 8 830 : pour la seule rentrée 2008.


Le constat est simple : un emploi de professeur supprimé toutes les deux heures depuis 2003 !


De 2009
à 2012, le rythme s’accélère avec 80 000 postes en moins pour tous les niveaux scolaires.

 



Question  : est-il possible d’assurer des « prestations » identiques avec un personnel moins nombreux ?


Un
plan global de restructuration.


Les autorités adaptent « l’offre » éducative à la force réduite de travail.


Voici les principales mesures d’ajustement :

- L’optimisation des « stocks » : des classes à 35/36 élèves.
- Le retrait des « produits à faible marge » (langues anciennes et rares) et leur « externalisation » vers le secteur marchand.
- La concentration des « filiales » (groupes communs en série littéraire et économique malgré un programme différent).
- La fermeture de « sites » (disparition envisagée de collèges et de lycées, comme celui de Lognes en Seine-et-Marne ?).


Cette « rationalisation des moyens », selon la terminologie ministérielle, doit dégager des marges pour financer les heures supplémentaires qui compenseraient la perte de 3 500 emplois.


Question 
: cette stratégie économique est-elle profitable aux usagers et aux professionnels de l’Education ?


Les heures supplémentaires : une aberration économique.


1er illogisme
  : les enseignants gagneront plus pour travailler mal.

Explication
: la perte des emplois d’enseignants est disproportionnée au regard de la diminution de la population scolarisée. Les classes surchargées augmenteront mécaniquement et le message sera compréhensible par de moins en moins d’élèves.
Conséquence  : la « productivité » (nombre d’élèves ayant progressé par professeur) baissera.


2ème illogisme
  : les enseignants gagneront plus pour apprendre moins.

Explication  : dans sa Lettre aux Éducateurs, le Président promet : « il y’aura moins d’heures de cours » (pp.29-30). La pertinence des programmes allégés est discutable. Dans une conjoncture de compétition, une solide culture générale favorise l’adaptation.
Conséquence  : le « rendement » (volume de connaissances diffusées par classe) baissera.


Il est donc clair que le « faire mieux en dépensant moins » est un mythe.


Question
: réduire les dépenses d’éducation est-il le signe d’une gestion saine ?


Les investissements d’aujourd’hui sont les profits de demain.

L’importance des dépenses qu’un pays accorde au secteur éducatif est l’indice d’une économie avancée. Si l’on adopte ce critère, la France perd progressivement son statut de pays développé.

En effet, selon des statistiques gouvernementales (http://media.education.gouv.fr/file/02/5/7025.pdf
) et alors que le PIB (la richesse nationale) augmente chaque année, on constate une baisse continue :
- En 1997, 7,6 % du PIB ont été consacrés aux dépenses éducatives en France.
- En 2006, seulement 6,8 %.


La France investit de moins en moins dans la formation des générations futures.

La politique actuelle semble donc une impasse :
- La compensation en heures supplémentaires est contreproductive et trompeuse.
- La simplification des programmes et les suppressions de postes handicapent la « compétitivité » du système éducatif français par rapport aux autres pays européens.
- Elle va à l’encontre de la logique économique : plus un pays s’enrichit, plus il doit dépenser dans le secteur éducatif pour avoir une main d’œuvre toujours plus qualifiée.

Bilan : une éducation « rentable » est une éducation gratuite et équitable.


La politique actuelle nous semble dangereuse.
- Gérer l’Ecole comme une entreprise privée suppose que l’Education n’est plus un droit individuel mais un bien marchand.
- La gratuité se trouve dès lors menacée, puisque toute entreprise doit vendre plus cher qu’elle ne produit.
- L’équité et l’égalité sont remises en cause, car seuls les plus riches et les plus doués pourront bénéficier des meilleurs services éducatifs.

La véritable réforme, celle qui engendre du progrès et de l’efficacité, est la suivante :
- réduire le nombre d’élèves par classe et non celui de professeurs par établissement scolaire.

Le ministère devrait d’ailleurs suivre les avis de rapports officiels comme celui remis au Haut Conseil à l’évaluation de l’Ecole (http://cisad.adc.education.fr/hcee/documents/rapportmeuret_rtc.rtf) qui conclut en 2001 que la réduction de la taille des classes « doit être importante et amener les classes nettement en dessous de 20 élèves » ; que « pour les élèves défavorisés, cet effet devient important » ; qu’il « perdure longtemps après que les élèves ont rejoint de grandes classes ».


  Réformer l’Ecole n'est pas équilibrer un budget,
mais construire une société profitable à tous !
 

Publié dans Argumentaires

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